Regagner confiance : paver la voie vers l’équité en santé grâce à la recherche dirigée par les Autochtones

Lynnette Lucas, Directrice des services de santé, Conseil tribal de Nuu-chah-nulth; professeure auxiliaire, Université Simon-Fraser

Entre 1948 et 1952, environ 1 000 enfants autochtones dans certains pensionnats canadiens ont été privés de lait, ont dû ingérer de la farine expérimentale et ont eu rarement accès à de la viande, à des fruits et à des légumes. Souffrant de malnutrition, ces enfants ont été soumis à des études financées par le gouvernement sur les effets de la privation alimentaire et les supposés bienfaits des suppléments.

« En réaction contre cette histoire troublante, nos projets de recherche se sont axés sur la transparence et la mobilisation communautaire, mentionne Lynnette Lucas. L’objectif est de protéger les enfants autochtones – aujourd’hui et à l’avenir – face aux blessures du passé. »

Lynnette Lucas est la chercheuse principale d’un des projets financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) (en anglais seulement) par l’intermédiaire de l’initiative Trajectoires de vie en santé – volet autochtone (TVS-A). Il s’agit d’une initiative visant à rétablir des systèmes familiaux sains et à promouvoir le développement sain des enfants des Premières Nations.  L’initiative TVS-A est codirigée par 23 communautés issues de 3 nations : les 14 nations de Nuu-chah-nulth (représentées par le Conseil tribal de Nuu-chah-nulth), les nations cries de Maskwacîs ainsi que les nations cries et dénées de la municipalité régionale de Wood Buffalo. Ces communautés, situées en Colombie-Britannique et en Alberta, jouent un rôle central dans l’élaboration des projets de recherche financés par l’initiative TVS-A.

Pendant 18 mois, les équipes de recherche ont mené de vastes consultations avec les communautés autochtones. Des Aînés, des parents, des jeunes et des enfants ont fait part de leur savoir et de leur point de vue, ce qui a permis de cerner les priorités en santé des communautés autochtones, d’orienter les futures activités de recherche et d’établir plusieurs objectifs et programmes de recherche. Les équipes s’emploient actuellement à prévenir les maladies cardiométaboliques et les maladies non transmissibles, comme les problèmes de santé mentale, lesquelles touchent de façon disproportionnée les Autochtones. Chaque équipe adopte une approche communautaire distincte visant à mettre en place des programmes de santé locaux grâce à la recherche.

À titre d’exemples, le Cercle de guérison et de soutien pour les mères de Maskwacîs et le programme Deadly Dads (où « Deadly » est un terme d’affection qui signifie « génial »), aident les parents autochtones à se rapprocher de leur famille et de leur culture. Le programme encourage les pères autochtones à occuper une plus grande place dans la vie de leurs enfants en participant à des activités culturelles, à des discussions de groupe et à des activités communautaires mettant à l’avant-plan leur rôle et leur parcours. Le programme Aunties Within Reach (en anglais seulement) à Wood Buffalo offre par ailleurs aux familles faisant appel à une sage-femme autochtone (aussi appelée « auntie » en anglais) du soutien lors de la grossesse, de l’accouchement et de la petite enfance. Enfin, les programmes « Mother Support Workers » et « Healthy Babies » offrent aux mères et aux familles autochtones des services adaptés aux cultures sur l’Île de Vancouver. Tous les programmes des équipes de recherche visent à renforcer les compétences parentales, les réseaux de soutien et l’appartenance culturelle.

« Par le passé, le diabète, les maladies cardiaques et les problèmes de santé mentale n’étaient pas des sujets de préoccupation dans nos communautés, affirme Lynnette Lucas. Alors en quoi notre savoir traditionnel nous protégeait-il contre ces affections? Nous cherchons donc à établir des programmes de santé en fonction des connaissances que nous possédons déjà et à inciter la population à y participer activement. »

Ce qui motive les équipes de recherche de l’Université de l’Alberta et de l’Université Simon-Fraser à contribuer à cette étude à long terme, ce sont les progrès réalisés pour rétablir des systèmes familiaux sains et former des équipes de professionnels qualifiés dans chaque communauté. « Lorsque le projet prendra fin, nous souhaitons que les communautés aient en main des stratégies et des données à l’appui du développement sain des enfants, souligne Lynnette Lucas. Notre objectif est de mettre en place un processus durable qui reconnaît réellement, valorise et prend en considération le savoir traditionnel de chaque communauté. »

Conclusion? Ces activités collaboratives sont cruciales pour tenir compte des perspectives des Autochtones dans la recherche en santé et garantir la mise en place de programmes, adaptés aux cultures, qui favorisent la santé et le bien-être des enfants et des familles autochtones.

En bref

L'enjeu

L’enjeu : Comparativement à la population en général, les Autochtones au Canada courent davantage de risques de développer une maladie cardiaque, le diabète ou un problème de santé mentale. Il est possible de corréler la hausse des maladies non transmissibles chez les Autochtones à l’abandon des pratiques alimentaires et des modes de vie traditionnels, ainsi qu’aux répercussions des établissements coloniaux.

La recherche

La recherche : Financée par les IRSC, l’initiative Trajectoires de vie en santé – volet autochtone (TVS-A) vise à améliorer la santé à toutes les grandes étapes de la vie (période préconceptionnelle, grossesse, enfance, âge adulte), tout en reconnaissant que les premiers stades de vie jouent un rôle prépondérant dans le développement des maladies chroniques à long terme. Des chercheurs, en collaboration avec des Autochtones, ont élaboré des programmes communautaires alliant savoir autochtone et science occidentale afin de favoriser le bien-être tout au long de la vie.

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