La croisade d’un chercheur contre le tabagisme dans le monde, une étiquette à la fois

Il y a 25 ans, Player’s était la marque de cigarettes la plus populaire au Canada. Les paquets de cigarettes arboraient la célèbre image d’un charmant marin barbu portant une casquette Navy Cut, entourée d’une bouée ronde sur laquelle on pouvait lire « Player’s Navy Cut ». Cette image est aujourd’hui remplacée par la photo lancinante d’une femme émaciée au crâne rasé, le regard perdu dans le vide. À côté, la mise en garde est on ne peut plus claire : « Barb Tarbox n’avait que 42 ans lorsqu’elle est morte d’un cancer du poumon causé par la cigarette. »

Le Dr Geoffrey Fong, psychologue social canadien, a joué un rôle déterminant dans les politiques pour rendre les paquets de cigarettes moins attrayants, au Canada comme dans le reste du monde. « Le psychologue social a la formation qui lui permet de déceler les facteurs qui feront changer les attitudes et, ultimement, les comportements. Parmi les moyens les plus efficaces sur ce plan, la peur. »

En 2002, grâce au financement des IRSC, le Dr Fong a fondé le Projet international d’évaluation de la lutte antitabac (en anglais seulement) afin d’étudier les retombées des politiques de lutte contre le tabagisme (lois antitabac, taxes sur le tabac, restrictions sur la publicité pour le tabac). Voilà maintenant 20 ans que le projet est en cours : ce sont plus de 200 enquêtes qui ont ainsi été menées dans 31 pays, représentant plus de la moitié de la population mondiale. Les données ainsi obtenues ont contribué à façonner les politiques visant à réduire le tabagisme au Canada et dans de nombreux autres pays, le tabagisme étant de loin la principale cause évitable de décès au Canada et dans le monde.

Par exemple, selon certaines enquêtes menées dans le cadre du projet, les pays où les paquets arborent un visuel percutant ont connu un taux d’abandon du tabac 20 % plus élevé que celui des pays qui n’avaient que des avertissements textuels. Au Canada, le taux de tabagisme a diminué de 10 à 15 % depuis l’avènement des images dissuasives en 2000. Ce sont des études de ce genre qui ont permis d’amasser les données justifiant le recours à ces images. Aujourd’hui, 138 pays imposent des mises en garde avec photos.

Les dix dernières années ont vu le projet prendre de l’expansion alors qu’ont été inclus dans les études les nouveaux produits à base de nicotine tels que les cigarettes électroniques et les sachets de nicotine. « Nous voulons savoir si les cigarettes électroniques aident les fumeurs à arrêter de fumer, indique le Dr Fong, et nous avons aussi entrepris une nouvelle enquête multinationale auprès de jeunes qui vapotent et qui risquent d’en devenir dépendants. »

C’est pour cette raison que les recherches du Dr Fong portent aussi maintenant sur l’efficacité des étiquettes de mise en garde sur les cigarettes électroniques et autres nouveaux produits à base de nicotine. Les conclusions de son étude seront importantes dans un contexte où Santé Canada continue de surveiller l’effet sur la santé publique des produits de vapotage, actuellement vendus dans des emballages aux couleurs vives et aux polices attrayantes.