Le bilinguisme pourrait favoriser le développement du cerveau des enfants prématurés

Sally Sade, étudiante au doctorat, Centre canadien des neurosciences comportementales de l’Université de Lethbridge

Les enfants nés prématurément risquent davantage de développer des problèmes de santé à long terme, tels que le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, l'autisme, l'anxiété et la dépression.

L'apprentissage d'une deuxième langue dès le plus jeune âge pourrait-il minimiser ces risques? Un nombre croissant de données indique que le bilinguisme peut améliorer les compétences sociales, émotionnelles et cognitives qui contribuent à la réussite à l'école et dans la vie. Toutefois, certains chercheurs ne sont pas du même avis et avancent plutôt des résultats négatifs, ou aucun avantage.

Cependant, une étudiante au doctorat à l'Université de Lethbridge a lancé un projet innovant qui pourrait renforcer les arguments en faveur du bilinguisme. En effet, Sally Sade utilise des jeux simples, amusants et interactifs auprès d'enfants de trois à cinq ans nés avant terme ou de faible poids à la naissance pour évaluer leurs fonctions exécutives. Il s'agit d'un terme générique désignant la flexibilité mentale, l'attention et la mémoire de travail, qui permettent aux enfants d'organiser leurs pensées et leurs activités, d'accomplir des tâches et de contrôler leurs émotions et leur comportement. Sally Sade avance l'hypothèse que les enfants bilingues obtiendront de meilleurs résultats à l'évaluation des compétences mentales et des processus cognitifs que les enfants unilingues.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, environ 15 millions de bébés naissent chaque année avant terme, généralement avec un faible poids, et leur nombre continue d'augmenter. La mise en œuvre d'interventions précoces, lorsque les cerveaux sont encore en développement, est essentielle pour aider ces enfants à réaliser leur plein potentiel.

Dans le cadre de l'étude de Sally Sade, plus de 60 enfants bilingues et unilingues d'écoles maternelles et de garderies du Sud de l'Alberta ont participé à des activités ludiques, telles que la construction de blocs Lego ainsi que les jeux « feu rouge, feu vert » et « Jean dit ». Les dix jeux utilisés dans le cadre de cette étude se sont révélés utiles pour mesurer et améliorer les fonctions exécutives, notamment la maîtrise de soi, la mémoire de travail et la flexibilité cognitive.

Le programme de l'étude, intitulé Building Brains Together (en anglais seulement), a été élaboré par Allonna Harker, M. Sc., et les docteures Robbin Gibb et Claudia Gonzalez de l'Université de Lethbridge à la suite d'une évaluation pancanadienne de la préparation à l'école maternelle ayant révélé que les enfants de l'Alberta se situaient sous la moyenne canadienne et les enfants de Lethbridge, sous la moyenne albertaine.

Sally Sade a recueilli des données de référence en soumettant les enfants à des tests initiaux avant le début du programme tant en classe qu'à la maison sur une période allant de six semaines à quatre mois. Les enfants ont ensuite fait encore l'objet de tests pour déterminer si ceux bilingues — en particulier les prématurés — avaient connu une amélioration plus rapide de leurs fonctions exécutives que ceux unilingues.

« Je prédis que les enfants bilingues nés avant terme obtiendront de meilleurs résultats que les enfants unilingues dans la réalisation des tâches mesurant les fonctions exécutives », explique Sally Sade, qui a obtenu une bourse d'études supérieures du Canada des IRSC pour réaliser cette étude.

« Ce qui est bien avec ce test, ajoute-t-elle, c'est qu'il repose sur le jeu et peut facilement être intégré dans la routine quotidienne à l'école et à la maison pour développer ces compétences chez les enfants. »

Un autre aspect unique de l'étude est le fait qu'elle porte sur les enfants qui s'expriment couramment dans leur langue maternelle et leur langue seconde. Les études précédentes classaient souvent les sujets comme simplement bilingues ou non bilingues.

« Cependant, si quelqu'un ne possède que 10 % des compétences nécessaires pour très bien comprendre et 20 % de celles pour très bien parler une langue, l'incidence sur ses fonctions exécutives sera différente de celle d'une personne parfaitement bilingue, explique Sally Sade. Il faut voir où se situe la personne dans le continuum du bilinguisme. »

Sally Sade analyse actuellement les données des tests, dont les premiers résultats laissent croire que les enfants bilingues développent des compétences sociales plus rapidement que les enfants unilingues après avoir joué aux jeux, et qu'ils semblent aussi obtenir de meilleurs résultats sur le plan du contrôle des émotions. L'ensemble des résultats de l'étude devrait être publié à l'automne.

« Pour la prochaine étape de ma recherche, je compte recourir à l'électroencéphalogramme afin d'étudier l'activité cérébrale chez les jeunes enfants et les jeunes adultes, explique-t-elle. Je vise à enrichir la base de connaissances issues d'un outil facile à utiliser pour aider à la fois les éducateurs et les parents à donner aux enfants nés prématurément les meilleures chances dans la vie. »

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