La collaboration au service de la lutte contre la démence

Des chercheuses en sciences biomédicales font participer des personnes ayant une expérience concrète de la démence à la recherche de traitements efficaces

De gauche à droite : la Dre Jennifer Bethell, Linda Grossman et la Dre JoAnne McLaurin au laboratoire de cette dernière à l’Institut de recherche Sunnybrook, à Toronto.

En bref

L’enjeu

La Société Alzheimer du Canada estime qu’environ un million de Canadiens seront atteints de démence en 2030. Ce défi qui nous attend motive le milieu de la recherche à trouver des traitements efficaces.

La recherche

Le Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV) a créé le groupe consultatif sur la participation des personnes touchées par une maladie cognitive (EPLED). Ce groupe réunit des chercheurs, des personnes atteintes de démence et leurs aidants et leur permet de mener des discussions constructives au sujet de la recherche sur la démence.

Grâce au financement des IRSC, des chercheuses du CCNV, les Dres Jennifer Bethell et JoAnne McLaurin, ont récemment entamé une discussion avec les membres du groupe EPLED, dans le cadre d’une série de réunions virtuelles et en personne, sur les progrès de la recherche biomédicale sur la démence au Canada.

Cette consultation a mené à la présentation d’une demande de financement au programme Transformation du Fonds Nouvelles frontières en recherche du gouvernement fédéral. La demande a été retenue, et la subvention accordée appuiera la recherche sur une approche innovante de traitement de la démence et d’autres maladies neurodégénératives.

Les retombées

Ce projet a démontré la valeur de la participation des personnes ayant une expérience concrète à la planification des projets de recherche biomédicale et peut servir de modèle pour l’avenir.

Selon la Société Alzheimer du Canada, près de 600 000 personnes sont atteintes de démence au Canada, et ce nombre devrait atteindre près d’un million d’ici 2030.

La démence ne touche pas seulement les personnes qui en sont atteintes. Elle peut avoir de lourdes conséquences sur la vie des conjoints et des autres membres de la famille, qui sont souvent les principaux aidants.

Linda Grossman et son défunt mari, le Dr S. William Grossman

Linda Grossman sait ce que c’est que de vivre avec une personne atteinte de démence. Son mari, le Dr S. William Grossman, un dentiste ayant exercé au centre-ville de Toronto, a reçu un diagnostic de trouble cognitif léger en 2006. Au fil des ans, son état s’est aggravé, et il a développé la maladie d’Alzheimer. Il est malheureusement décédé pendant la pandémie de COVID-19.

Linda met à profit son expérience au sein du groupe consultatif sur la participation des personnes touchées par une maladie cognitive (EPLED) du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV). Il s’agit d’un programme qui permet aux membres du milieu de la recherche de faire participer activement et efficacement des personnes ayant une expérience concrète de la démence, y compris celles qui en sont atteintes et leurs partenaires de soins, au processus de recherche du CCNV.

Dialogue constructif sur la recherche biomédicale

Grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), deux chercheuses du CCNV, les Dres Jennifer Bethell et JoAnne McLaurin, ont réuni des scientifiques et des membres du groupe EPLED dans le cadre d’une série de réunions virtuelles et en personne, afin d’examiner les progrès de la recherche biomédicale sur la démence au Canada.

Les réunions ont connu un énorme succès : les scientifiques ont présenté la recherche en termes simples, et les personnes ayant une expérience concrète ont apporté de précieux renseignements et posé des questions judicieuses.

Dre JoAnne McLaurin

« Les collègues et les stagiaires qui ont assisté aux réunions en sont tous ressortis émerveillés », a déclaré la Dre McLaurin, chercheuse biomédicale qui étudie la neurodégénérescence en tant que directrice de la plateforme des sciences biologiques à l’Institut de recherche Sunnybrook. « Comme chercheurs, notre formation nous amène à aborder un champ d’études général, puis à nous spécialiser dans un domaine particulier. Il nous est donc parfois difficile de communiquer nos résultats en termes simples. Toutefois, ce projet nous aide à progresser grâce aux discussions collaboratives avec les personnes atteintes de démence et leurs aidants. »

Dre Jennifer Bethell

« Lorsque j’ai participé à la mise sur pied du groupe EPLED il y a trois ans, il est vite devenu évident que la diversité des membres et leur expérience commune susciteraient des progrès », a déclaré la Dre Bethell, épidémiologiste et chercheuse en services de santé à l’Institut de réadaptation de Toronto. « Au début du projet, je me rappelle avoir dit à JoAnne qu’aucune gêne n’entraverait la participation. Je savais que les participants nous diraient ce qu’ils pensaient et qu’ils poseraient des questions. Ensemble, nous contribuons à faire avancer la science. »

Rétroaction positive des personnes ayant une expérience concrète

Les participants au groupe EPLED ont estimé que les réunions étaient enrichissantes. Les personnes atteintes de démence et les aidants ont eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les effets des nouveaux médicaments, mais aussi d’expliquer pourquoi il était important pour eux que les chercheurs poursuivent la recherche de traitements malgré les revers ou le risque d’échec.

Christine Thelker

Auparavant, Christine Thelker s’occupait de personnes atteintes de démence dans des maisons de soins de longue durée. Après avoir elle-même reçu un diagnostic de démence vasculaire en 2015, elle a commencé à faire des présentations pour expliquer ce que c’est que de vivre avec la démence. Elle a même pris la parole devant les Nations Unies au nom des personnes atteintes de démence.

Christine a trouvé que les interactions avec les intervenants de ces réunions virtuelles et en personne étaient instructives.

« C’est formidable de pouvoir poser des questions sur les effets positifs et négatifs des nouveaux médicaments », a indiqué Christine, qui vit à Vernon, en Colombie-Britannique. « Ma participation à la réunion en tant que personne atteinte de démence m’a permis d’échanger beaucoup plus d’information qu’avant avec les chercheurs. Grâce à eux, j’envisage l’avenir avec enthousiasme. »

Le fait qu’un nombre accru d’aidants et de personnes atteintes de démence interagissent avec des scientifiques pourrait entraîner des recherches biomédicales novatrices sur la maladie.

« Même si je suis consciente que la recherche sur tous les fronts est essentielle dans nos vies, je tiens à souligner que tous les chercheurs biomédicaux doivent expliquer comment leur travail peut être bénéfique en termes simples, afin que les personnes atteintes de démence et leurs aidants puissent donner leur avis », a fait remarquer Linda, membre du groupe EPLED et représentante du conseil régional de l’Ontario de l’Institut du vieillissement des IRSC.

Meghan Lau

En 2019, Meghan Lau a quitté son poste d’agente du service extérieur pour Affaires mondiales Canada, à New York, et s’est installée à Calgary pour s’occuper de sa mère atteinte d’atrophie corticale postérieure, une forme rare de démence qui affecte principalement l’aptitude à traiter l’information visuelle.

En tant qu’aidante membre du groupe EPLED, Meghan a participé à une réunion en personne organisée par les Dres McLaurin et Bethell à Toronto en novembre dernier.

« J’ai trouvé fascinant qu’on nous demande comment nous aimerions qu’elles abordent la question de la démence », a déclaré Meghan. « Nos expériences face à cette maladie, en tant qu’aidants ou personnes atteintes de démence, sont très variées. JoAnne et Jennifer ont fait un excellent travail, en nous aidant à découvrir des points communs qui n’ont pas toujours été abordés en ce qui concerne la qualité de vie. »

L’avenir de la recherche sur la démence

La rétroaction donnée par les participants dans le cadre de cette collaboration a servi à l’élaboration d’une demande que les Dres McLaurin, Bethell et Carol Schuuman, leur collègue à l’Institut de recherche Sunnybrook, ont présentée au volet Transformation du Fonds Nouvelles frontières en recherche du gouvernement fédéral. Ce volet du programme de financement soutient des projets de recherche interdisciplinaires de grande envergure qui abordent une question importante et qui pourraient mener à des changements concrets et durables.

En avril, le gouvernement a annoncé que leur projet figurait parmi les demandes retenues. L’équipe recevra une subvention de 24 millions de dollars pour étudier les lésions cérébrales causées par la démence, les accidents vasculaires cérébraux, la maladie d’Alzheimer et l’épilepsie. L’équipe espère mettre au point de nouvelles thérapies géniques qui permettraient de réparer les neurones.

Le CCNV est une initiative majeure financée par les IRSC et leurs partenaires. Il s’agit d’un élément clé de la nouvelle initiative de recherche sur la santé cérébrale et les troubles cognitifs associés au vieillissement des IRSC, dirigée par leur Institut du vieillissement.

La directrice scientifique de l’Institut, la Dre Jane Rylett, reconnaît la valeur et l’importance de la participation des personnes ayant une expérience concrète à la recherche.

Selon la Dre Rylett, « la participation des personnes ayant une expérience concrète à toutes sortes de recherches, y compris la recherche biomédicale et préclinique, est un élément essentiel du processus de recherche. C’est l’occasion d’adopter une nouvelle approche, où le patient partenaire peut poser des questions d’un point de vue différent et dire au chercheur “qu’en est-il de tel ou tel aspect?” ». Elle estime également que « cette relation importante en recherche biomédicale a été négligée dans le passé, mais JoAnne et Jennifer, ainsi que d’autres chercheurs, démontrent aujourd’hui qu’elle constitue un élément essentiel de l’élaboration des projets de recherche biomédicale à venir. »

Date de modification :