La collaboration dans les soins : aider les personnes atteintes d’un trouble bipolaire à s’épanouir grâce à des outils numériques d’autosoins

Avertissement : Certains lecteurs pourraient être troublés par certains sujets abordés dans le présent article, notamment le suicide, la dépression et la maladie mentale. Si vous ou quelqu'un que vous connaissez traversez une crise ou songez au suicide, appelez le Service canadien de prévention du suicide au 1-833-456-4566 ou consultez les ressources suivantes.

Nous avons tous de bonnes et de moins bonnes journées : nous sommes humains, après tout. Mais pour les personnes vivant avec un trouble bipolaire, les hauts et les bas sont souvent beaucoup plus intenses et peuvent avoir des répercussions importantes sur leur quotidien.

Caractérisé par des épisodes répétés de dépression et de bonne humeur exacerbée (qu'on appelle manie ou hypomanie) le trouble bipolaire touche plus d'un demi-million de personnes au Canada. Les statistiques montrent que, sans les soins appropriés, près de 15 % de ces personnes mettront fin à leurs jours. Néanmoins, comme c'est le cas pour tous les troubles de santé mentale, les personnes atteintes ne sont pas définies par leur maladie. Avec un soutien approprié, elles peuvent s'épanouir.

« Il existe encore une stigmatisation importante associée au trouble bipolaire. Beaucoup de gens ne savent pas que les personnes qui en sont atteintes peuvent, et vont, jouir d'une bonne santé et d'une vie heureuse et épanouie, explique la Dre Erin Michalak, professeure de psychiatrie à l'Université de la Colombie-Britannique. Mais cela nécessite plus que des médicaments : il faut que ces personnes bénéficient d'un soutien social et d'un sentiment d'accomplissement. »

C'est ici que la recherche de la Dre Michalak entre en compte. En tant que chercheuse principale à la CREST-BD, elle collabore avec une équipe interdisciplinaire composée de chercheurs, de fournisseurs de soins de santé, d'organismes communautaires et de personnes vivant avec un trouble bipolaire pour mettre au point des outils et des ressources pratiques.

« Il est essentiel que les personnes atteintes d'un trouble bipolaire aient facilement accès à de l'information personnalisée et fondée sur des données probantes pour les aider, en particulier parce que cette maladie touche de nombreuses facettes de la vie, souligne la Dre Michalak. Par notre recherche, mon équipe et moi souhaitons créer des outils qui permettent à ces gens de s'émanciper et de faire des changements positifs dans leur quotidien pour ultimement améliorer leur santé et leur qualité de vie. »

Apprendre des expériences vécues

Lorsque le réseau CREST-BD a été formé en 2005, l'amélioration de la santé et du bien-être des personnes vivant avec un trouble bipolaire en constituait l'un des deux objectifs principaux. Le second objectif consistait à mettre au point une nouvelle méthode de recherche collaborative en travaillant de concert avec ces personnes. Près de deux décennies plus tard, cette méthode de recherche axée sur le patient et sur la communauté est encore à la base du travail de la Dre Michalak.

« La qualité et l'impact de la recherche sont améliorés lorsqu'on fait une place aux divers intervenants et membres de la communauté dans le processus de recherche. Il est essentiel de répondre aux besoins des personnes que nous souhaitons aider. C'est pourquoi la quasi-totalité de nos publications et de nos projets met à contribution des personnes vivant avec un trouble bipolaire. »

Ainsi, l'une des recherches les plus importantes du réseau vise à comprendre les types de stratégies d'autogestion – c'est-à-dire, ce que les gens font pour gérer ou améliorer leur état de santé – les plus efficaces pour les personnes atteintes d'un trouble bipolaire. Cet aspect du travail de la Dre Michalak repose en grande partie sur la participation et la contribution de ceux qui sont touchés par la maladie.

« Les personnes qui vivent avec un trouble bipolaire depuis longtemps ont souvent développé leur propre expertise sur la façon de mener une vie saine et épanouie à l'aide de différentes stratégies d'autogestion. En travaillant avec eux, mon équipe et moi pouvons apprendre de leur expérience, voir quelles stratégies sont les plus efficaces et pourquoi, et transmettre cette expertise à d'autres. Bien que notre travail ne vise pas à remplacer les médicaments et les thérapies officielles, nous aspirons à créer des outils basés sur des données probantes pour aider nos patients partenaires et les nombreuses personnes dans le monde qui sont comme eux. »

Émanciper les gens grâce à la technologie

L'élaboration d'outils d'une telle qualité basés sur des données probantes a représenté un long cheminement pour la Dre Michalak et son équipe, mais elle en a valu la peine.

Par exemple, en 2005, la CREST-BD a entamé un projet de recherche pluriannuel visant à mettre au point un questionnaire unique pour évaluer la qualité de vie des personnes atteintes d'un trouble bipolaire. Après des années de recherche et de collaboration avec des experts, des cliniciens et des personnes touchées par la maladie – jumelées à un financement gouvernemental soutenu – l'équipe a lancé en 2015 le CREST.BD Quality of Life Tool (en anglais seulement) [outil de qualité de vie de la CREST-BD]. Celui-ci est rapidement devenu l'un des outils numériques vedettes du réseau et aide les personnes atteintes d'un trouble bipolaire à prendre en main et à améliorer leur santé et leur bien-être.

« Il est important de connaître ses forces et les aspects qu'on souhaite potentiellement améliorer pour s'assurer d'utiliser les stratégies d'autogestion appropriées, explique la Dre Michalak. Avec cet outil, nous voulions offrir aux utilisateurs une manière de mesurer facilement leur qualité de vie pour qu'ils puissent comprendre où ils s'épanouissent et où ils devraient concentrer leurs efforts d'autogestion. Une fois qu'ils connaîtront les aspects qu'ils désirent s'améliorer, ils pourront demander l'aide du Bipolar Wellness Centre. »

Le Bipolar Wellness Centre (en anglais seulement) [centre de bien-être pour le trouble bipolaire], l'autre ressource phare du réseau, a été conçu comme un guichet unique où les Canadiens et Canadiennes peuvent accéder à de l'information complète sur l'autogestion du trouble bipolaire pour améliorer leur qualité de vie. Grâce à son site Web convivial et à son interface colorée, la ressource est rapidement devenue une incontournable pour les patients, les fournisseurs de soins de santé et les alliés.

« Nous avons toujours été déterminés à offrir de l'information répondant aux besoins des gens », explique la Dre Michalak, qui ajoute que le Centre propose des ressources sur les relations, le sommeil, l'humeur, le travail et l'estime de soi, entre autres. « C'est la beauté de ces méthodes de recherche et d'élaboration d'outils axées sur le patient et l'engagement communautaire : les relations que nous avons tissées montrent que les gens nous font suffisamment confiance pour nous dire ce dont ils ont besoin et qu'ils sont prêts à travailler avec nous pour y arriver. Ils pourront ensuite nous aider à mettre au point ces outils pour mieux aider d'autres personnes aux prises avec un trouble bipolaire. »

Améliorer l'accès et personnaliser les soins

Poursuivant sur la lancée de l'outil de qualité de vie et du Bipolar Wellness Centre, la Dre Michalak et son équipe font maintenant passer la recherche à un niveau supérieur.

L'équipe a créé une application mobile – PolarUs (en anglais seulement) –, pour aider les gens à accéder encore plus facilement à l'information et à l'aide dont ils ont besoin. Et grâce aux avancées en intelligence artificielle et en apprentissage machine, l'application aura même, avec le temps, la capacité de suggérer des stratégies personnalisées d'autogestion aux utilisateurs, en fonction de leur situation et de leurs besoins uniques.

« Imaginons un jeune de 17 ans qui vit dans une communauté isolée du Canada et qui reçoit un diagnostic de trouble bipolaire. Il ne sait pas où chercher de l'information ou de l'aide. Ce jeune pourrait se connecter sur l'application PolarUs, créer son profil personnalisé et remplir une autoévaluation détaillée de sa qualité de vie. Il pourrait ensuite déterminer quelles facettes de sa vie il souhaite améliorer et accéder à des données scientifiques minutieusement sélectionnées à ce sujet, de même qu'à des stratégies et outils pratiques. »

Combinée à des thérapies et à des traitements en personne, l'application PolarUs fournira un nouvel outil unique et efficace que les patients pourront ajouter à leur arsenal de soins auto-administrés. « Ultimement, nous voulons que les personnes vivant avec un trouble bipolaire sachent qu'elles peuvent s'épanouir et jouir d'une bonne santé et d'une bonne qualité de vie, indique la Dre Michalak. Nous espérons que le travail que nous effectuons et les outils que nous élaborons pourront les aider à accomplir cela plus facilement. »

La Dre Erin Michalak est la récipiendaire du prix Feuille d'or des IRSC pour la transformation : engagement des patients 2018 pour son travail auprès des communautés et des personnes vivant avec un trouble bipolaire partout au pays.

Le financement initial du réseau de la CREST-BD a commencé en 2005 avec une subvention de la Fondation Michael Smith pour la recherche en santé (maintenant appelée Michael Smith Health Research BC). Une subvention Catalyseur de réseau octroyée par les IRSC en 2010 a permis de passer d’une équipe provinciale à un réseau pancanadien. Plus de dix ans plus tard, grâce à un financement soutenu (comprenant des subventions supplémentaires des IRSC), la CREST-BD fait figure de réseau international de recherche contribuant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’un trouble bipolaire partout dans le monde.

Depuis son financement par les IRSC, le projet PolarUs a reçu un énorme soutien de la Fondation Daymark pour un travail en parallèle visant à accélérer le perfectionnement de l’application en vue de l’offrir au grand public. Le projet est également appuyé par la Fondation Laurel.

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